lundi 19 mars 2007

L'Europe vitivinicole : le vin comme symbole du choc des puissances?

Nous avions consacré un article en décembre dernier au rapport des députés Philippe Armand Martin et Gérard Voisin sur l'avenir viticole de la France. Nous avons en revanche omis de présenter le dernier rapport en date de Phillippe Armand Martin qui aborde un sujet crucial, dont nous avons déjà parlé sur ce blog: la réforme viticole européenne de l' OCM (Organisation Commune des Marchés) , dont les conclusions seront rendues en juin prochain.

Le rapport de Monsieur Martin part d'un constat: la crise de compétitivité du vin européen. Et une grande partie de son rapport est une critique de la politique pronée par la Commission Européenne en la matière, critique aussi faite par le Parlement Européen (voir notre article sur le sujet), et par la République Tchèque. La question des excédents européens et surtout de la manière de s'en débarasser (arrachage, distillation...) est au coeur des débats.

Mais il est intéressant d'analyser ce qui ressort du rapport concernant la concurence internationale.

Selon le député, les principaux atouts des vins du nouveau monde sont:
-des échelles de production sans commune mesure, aussi bien dans les superficies cultivées que dans l'absence d elimitation de plantation.
-le pillage des appellations européennes (Chablis, Bourgogne, Champagne...)
-la lisibilité et la simplicité, aussi bien dans le gout que dans la présentation

La question des appellations et de leur protection est au coeur de la guerre commerciale entre les Etats Unis et l'Europe. Elle trouve sur dans le secteur vitivinicole un de ses expressions les plus flagrantes. Phillippe Armand Martin était d'ailleurs revenu lui meme sur cet accord dans un rapport de novembre 2005, qui révèle la position de force des Etats Unis, appuyés sur un modèle vitivinicole très différent.

Pour bien poser la situation deux modèles se font face


Europe Etats-Unis Conséquences
les indications géographiques établissent un lien structurel les indications géographiques ne prennent pas en compte la notion de terroir et de savoir faire un "chablis" américain, par exemple, offre une qualité non garantie et discrédite l'image de l'appellation. C'est un préjudice d'image très couteux pour les producteurs européens
les indications géographiques sont destinées à un usage collectif les indications géographiques relèvent du droit privé des marques

Les Etats-Unis tentent d'imposer leur modèle par des stratégies d'alliance visant à encercler l'Europe. Ils ont ainsi crée à cet effet en 1998 le World Wine Trade Group avec l'Afrique du Sud, l'Argentine, l'Australie, le Canada, le Chili et la Nouvelle-Zélande et le Mexique. En 2001, ils ont quitté l'Organisation internationale de la vigne et du vin.

Mais ils tentent aussi d'ériger des barrières à l'entrée du marché américain, comme avec cette loi rentrée en application le 1er novembre 2005, qui impose des controles plus stricts sur le vin importé, s'ils proviennent d'un pays n'ayant pas conclu d'accord bilatéral sur les pratiques oenologiques avec les Etats Unis.

S'il existe véritablement deux modèles, l'Union Européenne a du faire des concessions et la protection des appellations est garantie sur des critères minimaux. La bataille se joue véritablement sur le terrain des normes, et notamment dans le cadre d'une OMC particulièrement sourcilleuse qui semble considérer la protection des appellations controlées comme une arme protectionniste.

Pour finir, on peut émettre une réserve aux deux rapports de Philippe Armand Martin. peut etre est-ce une question de budget, mais les personnes rencontrées pour leur rédaction sont majoritairement françaises, allemandes (?) et espagnoles. Il serait intéressant, et peut etre inquiétant de connaitres l'avis sur le sujet des pays de l'Est dont les capacités de production commencent à etre optimales et qui risquent bien de mener une politique agressive de conquete des marchés. Il existe là un véritable enjeu, qui est de s'assurer de leur respect des normes européennes, afin qu'ils ne soient pas les intermédiaires et les relais du modèle des vins du nouveau monde en Europe.


Enfin, sans caricaturer, il est frappant de constater à quel point le secteur vitivinicole est un terrain des tensions et rivalités entre puissances. A ce sujet, nous ne savons pas si les prestigieux invités du colloque, organisé par l'Ecole de Guerre Economique "le choc des puissances" qui se tiendra le 13 avril prochain au Palais du Luxembourg aborderont le thème, mais le vin est clairement un enjeu de puissance. En tout cas, les Américains l'abordent en tant que tel.

Car ce qui est en jeu derrière le maintien d'un modèle européen, c'est aussi la pérennité d'une vision du monde.

Bacchus contre le reste du monde, en somme...

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6 commentaires:

Blogger Unknown a dit...

Le vin peut être un vecteur de puissance pour la France. Par conséquent, la protection des appellations est importante. Mais comment est ce possible de concilier la défense d'un vecteur (le vin) de puissance avec la volonté de l'OMC d'aider les pays de l'Est à promouvoir leurs produits viticoles en minimisant les critères d'appellations par les normes? Ne faudrait il pas renforcer la présence française au sein de l'OMC?

20 mars 2007 à 15:45:00 UTC+1  
Blogger Hugues d'Antin a dit...

Nous reviendrons sur les liens entre vin et OMC dans un prochain post. Pour l'heure, il est difficile de peser plus ou moins à l'OMC pour un pays. En effet l'OMC a deux missions principales: elle organise les négotiations de libéralisation lors des sommets, et elle règle les différends commerciaux entre pays. Si la France veut influer sur les décisions de l'OMC, c'est pendant la phase de négotiation des accords, par des stratégies d'alliances avec d'autre pays, puisque dans le système de l'OMC, 1 Etat= 1 voix

20 mars 2007 à 16:30:00 UTC+1  
Blogger Unknown a dit...

La France a t'elle des pays alliés au sein de l'OMC?

20 mars 2007 à 22:18:00 UTC+1  
Blogger Unknown a dit...

La France a t elle des accords spéciaux avec des pays européens sur le vin? L'Europe joue t elle un rôle important dans ce secteur?

21 mars 2007 à 10:15:00 UTC+1  
Anonymous Anonyme a dit...

Le vin est certes un vecteur de puissance et dans le cas de la France, il s'agit surtout d'un enjeu culturel. Qu'on le veuille ou non, le vin fait partie de notre patrimoine culturel.
Or nos représentants prennent peu en compte cet état de fait. Alors qu'il devrait au contraire baser leur stratégie sur cet élément fondamental.
Mais ont-ils réellement une stratégie ?
Personnellement, j'en doute ...

http://www.digintel.blogspot.com/

21 mars 2007 à 12:06:00 UTC+1  
Blogger Hugues d'Antin a dit...

Concernant les alliés d la France à l'OMC, il existe surtout des alliances tactiques, meme si de plus en plus, on voit se former des groupes assez bien définis selon les secteurs, comme le groupe de Cairns pour l'agriculture (Argentine, Australie, Bolivie, Brésil, Canada, Chili...). On constate cependant de plus en plus une alliance naturelle de tous les pays européens. Ainsi en novembre dernier c'est l'Union européenne qui a engagé des procédures pour discuter avec l'Inde d'une réduction de ses barrières douanières sur le vin et le sspiritueux.

21 mars 2007 à 14:22:00 UTC+1  

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